Hommage – Eugène MONA, déjà 27 ans qu’il nous a quittés !
Auteur – Compositeur – Chanteur – Flûtiste.
Vendredi 21 septembre 2018, cela fera 27 ans que le chanteur et flûtiste martiniquais Eugène Mona nous a quittés.
(13 juillet 1943 – 21 septembre 1991)
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Hommage – Eugène MONA, biographie
Eugène Mona, de son vrai nom Georges NILECAM est né le 13 juillet 1943 dans la commune du Vauclin en Martinique et décédé le 21 septembre 1991 à Morne Calebasse, un quartier de Fort-de-France en Martinique.
Artiste phare de la musique antillaise par ses chants qui renferment un puissant contenu littéraire créole. Surnommé « le Nègre debout » ou « Poto mitan », le chanteur flûtiste se disait artiste créole, revendiquant les héritages africain et européen mais aussi indien en introduisant notamment des sonorités tamoules dans ses rythmes détonants.
Eugène MONA apprend la musique auprès de son père accordéoniste, tout en s’initiant au chant et à la danse.
Révélé en 1968 lors d’un concours de chanson créole, MONA s’engage, dès le début de sa carrière, sur le chemin de la musique traditionnelle, héritée des campagnes martiniquaises.
En 1973, son premier album “Bwa brilé”, rencontre un grand succès auprès des médias et du public. Son succès grandira au fil des ans auprès d’un public multi-générationnel qui reconnaissait en MONA le digne successeur de tous les piliers de la musique traditionnelle martiniquaise : Ti-Emile, Vava, Didi, auprès desquels il avait beaucoup appris.
C’est auprès de Max CILLA, qu’il perfectionne son maniement de la flûte. L’originalité de sa musique réside en une rencontre créative entre le chœur poly-rythmique des percussions traditionnelles (Tanbou bèlè, tanbou dibas, tibwa, chacha, triangle) et les instruments mélodiques modernes tels que la basse, la guitare ou le clavier. Cette orchestration nouvelle des instruments traditionnels alliée aux apports modernes, donnait à la musique de MONA un style unique. Il accordait également les rythmes martiniquais de la biguine, de la mazurka, du bèlè, à ceux de la Caraïbe, comme le calypso et même de l’Amérique, comme le blues ou le negro-spiritual. Ce mariage s’entend nettement sur son dernier album “Blan Manjé” (1990). Les paroles de ses chansons font également sa force Ses textes sont autant de messages qui veulent « provoquer la réflexion chez les auditeurs, les informer et les édifier ». Les chansons de MONA se nourrissent de beaucoup d’images et de paraboles et sont rarement à prendre au premier degré. C’est au-delà de ses mots qu’il faut creuser pour arriver à la source du vrai message qu’il voulait transmettre. Certains thèmes l’inspirent particulièrement : la défense du patrimoine (Tanbou séryé, Mango vè-a), la dénonciation des injustices (ralé ralé’y, bwa brilé, bibon dachine, yo lé’w touni an tèt, misyé kriminel, pa touché lou-a, etc.), la satire sociale ou politique (mi mwen mi ou, ma maman m’a dit, mi bach, etc.).
Homme de foi, MONA exprimait souvent dans ses chansons sa quête de spiritualité en replaçant l’homme face à sa propre nature, face à la Nature, à la vie et à la Lumière (Tant pis pour moi, Agoulou sé lanmò, Energie vibration positive, Oui je finirai, etc.)
“Je me situe comme un homme à la recherche de lui-même, comme un homme qui doit gravir la montagne qu’il est lui même, qui doit aller beaucoup plus loin que le sommet. Toutes les embûches que je peux rencontrer fortifient mon âme, mon corps.” La quête spirituelle liée à un contact rapproché avec la Nature, occupait une grande partie de sa vie. Avec son ami musicien Pierre-Louis MICHALON, il consacrait de longs moments à la méditation et à la prière. Chanter et jouer étaient pour lui une mission sacrée et divine. Il puisait son énergie de la Terre qu’il vénérait tant qu’il refusait de porter des chaussures (d’où son surnom de l’homme aux pieds nus).
Sur scène MONA était un vrai phénomène. Il avait une présence exceptionnelle, presque magnétique. Il se préparait physiquement et spirituellement plusieurs jours avant ses spectacles, faisait du sport avec ses musiciens, priait et méditait beaucoup en restant en contact direct avec la nature.
“Quand je monte sur un podium, sé mo obyen viv » disait-il, « Fòk ou rèd épi kò’w !”. Il fit quelques apparitions au cinéma, tantôt en tant que comédien (dans La rue Cases-nègres d’Euzhan PALCY), tantôt en tant que compositeur. Après 7 ans d’absence et de silence, MONA revient sur la scène musicale en 1990 avec un 10ème album longuement mûri pendant sa retraite : “Blan manjé”. On y retrouve cette même pulsation des percussions, avec de nouveaux apports blues, africains et caraïbes, mais aussi au-delà des mots, le blues de l’homme qui a traversé des expériences de vie difficiles. “Chaque mélodie doit être un voyage dans une contrée différente (…). Je suis un enfant du Marigot, qui veut toucher à l’universel… C’est possible, non ?” : disait-il.
Samedi 21 septembre 1991, Eugène MONA meurt terrassé par une congestion cérébrale, après une altercation qui l’a opposé à un voisin : “Le matin du 21 septembre, le chanteur au pieds nus (…) conduisait (…) une amie à l’hôpital, quand il traversa le terrain d’un voisin qui l’a mal pris.
En apprenant la nouvelle, la Martinique est stupéfaite et pleure MONA comme un héros perdu. Ses obsèques bloquent la Martinique du Marigot au Vauclin en passant par Fort-de-France pendant plusieurs heures. Un cortège de tambours et de flûtes accompagne la procession. Dans des veillées mortuaires, le pays entier pleure son nègre authentique disparu.
Auteur: Phillipe PILOTIN